Anna Perenna
Déesse romaine
Honorée depuis des temps immémoriaux dans un bois sacré situé au nord de Rome, elle était vénérée par de nombreux fidèles et représentée sous les traits d'une vieille femme, courbée par les ans, son visage marqué par le poids du temps et de l'expérience.
Mais qui était-elle réellement ? S'agit-il de cette mystérieuse vieille femme qui, lors de la célèbre retraite de la plèbe sur le mont Sacré au Ve siècle avant J.-C., aurait généreusement nourri les affamés en leur distribuant ces fameux « gâteaux rustiques » mentionnés par Ovide (Les Fastes, III, 661-674) ? Ou bien pourrait-elle être assimilée à une figure plus noble, à savoir la sour de la légendaire reine Didon de Carthage, évoquée dans un autre passage du même ouvrage (Les Fastes, III, 557-656) ? Nul ne saurait l'affirmer avec certitude. Toutefois, cette seconde version, plus romanesque et majestueuse, semble en tout point correspondre davantage à la stature d'une véritable déesse.
La légende raconte qu'Anna, fuyant un envahisseur menaçant la paix de son royaume, aurait pris la mer et, après un périple semé d'embûches, aurait fini par accoster sur les rives du Latium, cette terre antique où régnait alors Énée, le célèbre héros troyen. Ce dernier, en homme d'honneur et respectueux des lois de l'hospitalité, l'accueillit avec bienveillance et lui offrit un refuge. Mais cette arrivée soudaine ne fut pas du goût de Lavinia, son épouse, qui, rongée par la jalousie et la suspicion, voyait en Anna une rivale et une menace pour sa propre position. Redoutant d'être la cause de tensions et de conflits, Anna préféra s'éloigner en toute hâte. Dans sa fuite, elle trouva refuge auprès du dieu du fleuve Numicius, qui, dans un geste de compassion divine, la transforma en une nymphe immortelle. C'est ainsi qu'elle devint Perenna, un nom évoquant l'éternité et le cycle ininterrompu de la vie et du temps.
Plus tard, alors qu'elle était devenue une figure vénérable et entourée d'un profond respect, Anna fut sollicitée par Mars, le dieu de la guerre lui-même. Celui-ci, emporté par la passion et le désir, lui demanda d'intercéder en sa faveur auprès de Minerve, la déesse de la sagesse et de la stratégie, afin de la convaincre d'accepter ses avances. Mais Anna, consciente de l'intransigeance de Minerve et de son engagement absolu envers la chasteté, savait qu'une telle mission était vouée à l'échec. Plutôt que de décevoir le dieu belliqueux, elle choisit une approche plus audacieuse : elle se fit passer pour Minerve elle-même et, dans une ruse malicieuse, parvint à tromper Mars. Lorsque celui-ci découvrit la supercherie, il fut pris de stupeur, mais Anna, loin de se décontenancer, éclata d'un rire moqueur et se joua de lui avec des paroles des plus lestes et irrévérencieuses.
C'est ainsi, raconte-t-on, qu'est née la tradition des chansons grivoises et paillardes résonnant encore aujourd'hui lors des festivités lui étant dédiées, célébrant l'esprit espiègle et libre de cette déesse dont l'histoire traverse les âges.
La fête
«La foule arrive et se répand pêle-mêle sur l'herbe verdoyante : on boit, chacun étendu avec sa chacune. Là, on chante aussi [...], et on bat
des mains pour accompagner les paroles. [...] On mène de rudes rondes. »
- Ovide, Les Fastes, III, 325-542.