Cybèle
La mère des dieux, déesse primordiale de la Terre.
Agditis, une figure mythologique particulière, un monstre hermaphrodite, voit le jour d'une pierre sacrée fécondée par Zeus, le roi des dieux. En réponse à sa nature ambiguë, les autres divinités décident de lui infliger une mutilation physique pour lui enlever sa forme originale et l'obliger à assumer une nouvelle identité divine. Ainsi, Agditis devient la déesse Cybèle, incarnant la Terre et la fertilité. Cette transformation et son origine sont racontées par Pausanias dans ses Description de la Grèce, (Livre VII, 17, 10-12).
Cybèle trouve son domicile dans la nature sauvage : elle réside principalement dans les forêts profondes et les montagnes escarpées, entourée d'animaux indomptés, de créatures mythologiques et des Corybantes, qui sont ses prêtres d'élite. Ces derniers sont souvent représentés dans des danses frénétiques et extatiques, symbolisant les puissances de la nature que Cybèle contrôle.
Le mythe d'Attis
Cybèle entretient une relation mythologique forte et passionnée avec le jeune berger Attis. Son amour pour lui le pousse à un acte de folie extrême : sous l'emprise de l'amour divin, Attis, fou d'adoration, se mutile lui-même. Cet acte tragique symbolise la fusion de l'amour sacré et du sacrifice. Cybèle, fidèle à sa nature divine, emmène Attis sur son char, lequel est tiré par des lions majestueux. Ce transport divin ne fait que renforcer son pouvoir sur la nature et les êtres humains.
Par ailleurs, une autre version du mythe raconte qu'Attis n'est pas seulement un simple berger, mais qu'il est également le fils de Nana, une déesse devenant enceinte après avoir mangé un fruit magique d'amandier. Dans cette version, au moment où Attis célèbre son propre mariage, Agditis, incarnant Cybèle, pénètre la salle où se déroule la fête et sème la folie parmi tous les invités. Cette folie affecte tout le monde, jusqu'à Attis lui-même, qui, dans un élan de folie collective, se mutile sous un pin et meurt.
Cependant, dans une tentative de réparation divine, Agditis prie Zeus pour qu'Attis ne se décompose pas. Zeus, accédant à sa requête, fait en sorte que le corps d'Attis reste intact, que ses cheveux continuent de pousser et que même son petit doigt bouge sans cesse, comme une marque de sa présence éternelle.
Le mythe d'Attis devient ainsi un symbole de régénération et de continuité divine, et Pessinonte, en Phrygie, se voit attribuer le rôle de plus grand centre cultuel dédié à Cybèle. Ce lieu devient le siège des oracles de Cybèle, où les pèlerins viennent consulter la déesse pour des réponses spirituelles. À Pessinonte, Cybèle est vénérée sous la forme d'une pierre brute, un bityle noir, représentant son pouvoir primitif et inaltéré.
Le culte de Cybèle à Rome et son expansion
Le culte de Cybèle connaît une propagation importante à travers la Grèce et surtout à Rome, où il est officiellement reconnu en 204 avant J.-C. Les Romains accueillent Cybèle avec une grande ferveur, bien que d'abord avec méfiance. Les prêtres de Cybèle, appelés galles, sont des eunuques portant des habits féminins et sont souvent parés comme des prostituées sacrées. Leur rôle est central dans les cérémonies, au cours desquelles ils dansent au rythme de la cymbale et du tympanon, deux instruments étant considérés comme les instruments de la déesse. Ces danses ne sont pas simplement des performances ; elles sont censées provoquer une transe mystique, permettant aux prêtres d'entrer en contact direct avec le divin.
Au départ, les autorités romaines sont réticentes à accepter ces cérémonies, qu'elles jugent étrangères et déstabilisantes pour l'ordre public. Les citoyens sont interdits d'entrer dans le clergé de Cybèle, et des tentatives sont faites pour restreindre son culte à des espaces confinés, principalement dans les temples. Cependant, avec le temps, la situation évolue. Des prêtres galles romains sont désignés, et l'empereur lui-même prend la tête de ce culte. Les grandes fêtes religieuses liées à Cybèle deviennent de plus en plus populaires, et une large part de la population romaine se joint aux célébrations annuelles.
Le culte est particulièrement actif à l'approche du printemps, moment où les Romains commémorent le mythe d'Attis par une série de rituels. La procession se dirige vers le pin où Attis se mutila, et une période de jeûne et de continence de huit jours précède la célébration. Cela culmine avec la fête du sang, où chaque fidèle se flagelle comme acte de purification. Certains prêtres galles, dans un geste extrême, se castrent eux-mêmes, accomplissant ainsi un acte symbolique d'allégeance à la déesse.
La veillée funèbre d'Attis, avec ses bruits de douleurs simulées et ses gestes frénétiques, précède la grande célébration de sa résurrection, où la joie éclate dans une explosion de liesse collective. Les cérémonies touchent également la statue d'argent de Cybèle et son bityle sacré. Ces objets sacrés sont transportés dans un char tiré par des vaches, symbolisant la force de la déesse. Ce char traverse la ville en procession, avant que la déesse ne soit purifiée par un bain rituel dans l'Almo, un fleuve sacré.
À partir du IIIe siècle, le culte de Cybèle connaît un autre développement important avec l'introduction du baptême taurobolique. Ce rite consiste à sacrifier un taureau, et le sang de l'animal est aspergé sur les fidèles comme moyen de purification spirituelle.
L'initiation divine et la vision euripidienne
"Bienheureux l'homme aimé des dieux, qui, instruit des rites divins, sanctifie sa vie, dont l'âme processionne dans les montagnes, en proie aux transports par la vertu des purifications sanctifiantes, qui, canoniquement adonné aux orgies de la Grande Mère Cybèle, agitant le thyrse et couronné de lierre, est au service de Dionysos." (Euripide, Les Suppliantes, 7)
Cette citation résume l'expérience mystique et religieuse vécue par ceux étant initiés aux cultes antiques, dans un état d'extase divine et de communion avec les forces de la nature.