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Priape

Héros grec

Priape, souvent considéré comme le dernier des dieux anciens, est une figure unique et troublante dans la mythologie. Il est fréquemment dépeint comme un petit homme barbu, portant dans ses bras un tablier débordant de fruits. Il soulève ce tablier, le tenant au-dessus de son corps, et en particulier de son phallus en érection, étant d'une taille véritablement démesurée, représentant à la fois la virilité excessive et l'influence des forces naturelles. Ce personnage est bien plus qu'une simple incarnation du désir ou de la fertilité, car il est aussi l'expression de l'ironie divine et de l'échec. Son apparence et ses actes soulignent l'absurdité de la surabondance de la nature et de ses déesses et dieux.

Les récits les plus populaires autour de Priape affirment que ce dernier est le fils de deux figures mythologiques majeures : Zeus, le souverain de l'Olympe, et Aphrodite, la déesse de l'amour et de la beauté. Selon certaines traditions, Aphrodite, dont la beauté est capable de séduire même les plus puissants des dieux, a attiré Zeus dans ses filets, et les deux ont conçu Priape. Cependant, Héra, l'épouse jalouse de Zeus, s'inquiète de la beauté et du potentiel de l'enfant à venir. Elle craint que celui-ci ne surpasse sa propre beauté et sa propre puissance, et que la naissance d'un tel être mette en péril son statut. Par un coup cruel du destin, elle influence la naissance de Priape, le rendant incroyablement laid et difforme. Cela provoque un dégoût profond chez Aphrodite, qui, honteuse du résultat de cette union divine, abandonne immédiatement l'enfant. Ce dernier est alors recueilli et élevé par des bergers dans les montagnes, loin des regards des autres dieux. Cette image de l'enfant rejeté, élevé dans la solitude, accentue l'idée que Priape représente à la fois une bénédiction et une malédiction.

La virilité défaillante de Priape

L'immense sexe de Priape est ce qui le définit dans de nombreuses histoires et récits antiques. Ce qui est souvent vu comme un attribut de virilité, de puissance et de fertilité, devient dans son cas une forme de symbolisme ironique et tragique. Il est décrit comme un gardien de vergers, une tâche qui, dans la mythologie, est souvent associée à des figures responsables de la fertilité de la terre. Cependant, dans le cas de Priape, cet attribut ne sert pas de véritable fonction. Bien qu'il soit censé effrayer les voleurs et, en particulier, les voleuses, il est tout de même assez évident qu'il ne possède en réalité aucune puissance réelle. Il menace les intrus par des paroles et des menaces, principalement verbales, mais il reste complètement impuissant dans l'action. Les jardins et les vergers qu'il est censé protéger sont maigres, dénués de toute prospérité tangible. La fertilité qu'il est supposé incarner semble totalement inefficace.

Les voleurs, loin de craindre ce prétendu gardien, continuent leur larcin sans difficulté. Priape, désespéré de ne pas parvenir à accomplir sa mission divine, finit par supplier, dans un état de profond malaise, qu'on lui permette de punir les intrus de la clôture, afin qu'il puisse se soulager de sa frustration de manière symbolique. Ce personnage, incarnant la vie, la fertilité et la sexualité, se trouve en réalité dénué de toute efficacité. Il est donc une sorte de figure tragique, condamnée à échouer dans toutes ses tentatives.

En matière de relations amoureuses, Priape est tout aussi maladroit. Il tente de séduire la nymphe Lotis, mais il échoue systématiquement, victime de ses propres défauts. Un jour, il la trouve endormie et décide de profiter de l'occasion pour la violer. Cependant, le destin joue une nouvelle fois contre lui : un âne, qui se trouve par hasard à proximité, se met à braire bruyamment, ce qui réveille la nymphe. Priape, embarrassé, s'enfuit précipitamment, risquant de devenir une cible de moquerie publique. Son échec retentissant ajoute à sa réputation de dieu ridicule, dont les ambitions sont constamment réduites à néant par des forces extérieures.

Une maladresse divine

Priape est souvent rapproché de l'âne, cet animal qui, dans de nombreuses cultures, est perçu comme un symbole de lubricité et de désir. Dans cette mythologie, les deux partagent une caractéristique importante : leur apparence ithyphallique. Ils sont représentés comme des concurrents dans une course à l'obscénité, chacun cherchant à surpasser l'autre en taille et en pouvoir. Une légende raconte même qu'ils ont organisé un concours pour savoir lequel des deux possédait le membre le plus long. Cependant, ce n'est pas Priape qui gagne ce concours. C'est l'âne, et Priape, dans son incapacité à accepter sa défaite, se retrouve pris dans un accès de colère. Selon le mythe, il aurait tué l'âne pour effacer cette honte.

La connexion entre Priape et l'âne va au-delà de l'humour et de l'ironie. Elle symbolise une forme de rivalité qui, même dans un contexte divin, reste ancrée dans des préoccupations très humaines, comme la vanité et l'orgueil. Cela contraste avec l'image traditionnelle d'un dieu capable de se transcender. Priape incarne plutôt la petitesse et l'échec, et cette idée est renforcée par son association avec le priapisme. Le priapisme est une maladie incurable où le sexe masculin reste érigé de manière persistante, douloureuse, sans aucune jouissance. Cette maladie est souvent perçue comme une malédiction, un fardeau sans plaisir, qui contraste avec l'idée d'un désir ou d'une sexualité épanouie. Le priapisme n'a rien à voir avec le satyriasis, qui lui, est lié à un désir insatiable, une forme de débauche où l'éjaculation et la jouissance font partie du tableau. Priape, par cette maladie, incarne l'échec absolu de la virilité.

Au fil du temps, Priape est devenu une figure de moquerie et de ridicule. À l'époque romaine, des statues étaient sculptées dans du bois de figuier, souvent de manière grossière, puis peintes en rouge. Ces statues étaient placées dans les vergers pour protéger les récoltes. Ce rôle symbolique de gardien de la fertilité se transforme progressivement en une image plus crue et humoristique. Ce qui était initialement perçu comme un symbole de fertilité devient de plus en plus un épouvantail obscène, utilisé pour faire rire plutôt que pour inspirer le respect ou la crainte.

Le gardien de Priape

«C'est en vain, pour se conformer à l'usage, qu'Eustochides m'a dressé là, moi, Priape, pour garder ses pieds de vigne secs avec ce grand talus tout autour. Que quelqu'un le franchisse... il n'y a rien à voler, sinon moi, le gardien.» - Lucien, Anthologie de Platon, 2.

Ce dernier extrait résume parfaitement la nature absurde de Priape, qui, bien que chargé d'une mission divine et cosmique, se trouve dans une situation où son rôle est complètement dévalorisé. Son échec à remplir même les fonctions les plus élémentaires témoigne de l'ironie qui caractérise cette figure mythologique.



Dernière mise à jour : Vendredi, le 7 février 2025