Stonehenge
Site du patrimoine mondial, ce célèbre cercle de pierres situé dans le comté anglais du Wiltshire constitue probablement le site archéoastronomique le plus renommé de toute la planète, tant pour les spécialistes que pour le grand public. Il doit sa célébrité à un alignement très connu sur le lever du soleil au solstice d'été, un phénomène qui a longtemps été considéré comme l'explication principale de la disposition des gigantesques monolithes de grès. Toutefois, les recherches les plus récentes tendent à montrer que cette interprétation traditionnelle est probablement partiellement erronée, ou qu'elle ne décrit correctement qu'une partie seulement du sens astronomique du monument. Pour comprendre Stonehenge dans son ensemble, il faut non seulement tenir compte du lever du soleil au solstice d'été, mais aussi changer de point de vue temporel : se placer un an et demi et un jour plus tard, puis se retourner entièrement pour observer le coucher du soleil au solstice d'hiver, ce qui offre une vision beaucoup plus complète des intentions astronomiques de ses bâtisseurs.
Bien qu'aujourd'hui en ruine et partiellement incomplet, le cercle mégalithique de Stonehenge demeure extrêmement impressionnant, surtout lorsqu'on considère la taille monumentale des blocs de grès sarsen le composant. Ces énormes pierres furent transportées sur près de 30 km (19 miles) depuis une région située au nord du site, probablement vers 2450 avant J.-C.. L'occupation et l'utilisation du lieu remontent toutefois beaucoup plus loin dans le temps, jusqu'à environ 7500 avant J.-C., époque à laquelle Stonehenge pourrait avoir fonctionné comme un espace associé à des rituels de nature lunaire. Mais vers 2550 avant J.-C., lorsque les fameuses «pierres bleues» furent acheminées depuis les monts Preseli, au Pays de Galles, l'axe du monument fut délibérément modifié de 4° afin d'établir un alignement direct avec le lever du soleil au solstice d'été, marquant un changement d'orientation symbolique majeur.
Vers 2450 avant J.-C., Stonehenge subit un nouveau réaménagement d'envergure. Cette fois, les grands blocs de grès sarsen furent réorganisés pour former un anneau monumental composé de 30 pierres dressées, soigneusement équarries et disposées en cercle. Sur ces pierres verticales furent posées 30 pierres horizontales qui, ensemble, formèrent un anneau continu d'environ 30 m (98 pi) de diamètre, placé à une hauteur impressionnante d'environ 4 m (13 pi) au-dessus du sol. Au centre de ce grand cercle se trouvait un ensemble encore plus spectaculaire : les « trilithes », c'est-à-dire cinq paires de pierres dressées, chacune soutenant un linteau unique. Ces structures formaient un fer à cheval orienté vers le nord-est, dont la plus imposante, le grand trilithe, atteignait environ 7 m (24 pi) de hauteur. L'ouverture du fer à cheval faisait face à l'entrée principale du site, une chaussée qui traversait un talus et un fossé entourant le monument. Fait notable, ce système de talus et de fossé est anormal pour un henge, puisque contrairement aux autres monuments de ce type - où le fossé se trouve à l'intérieur du talus - Stonehenge présente un fossé extérieur, une configuration que l'on associerait plutôt à une fortification ou à une structure défensive.
Durant des siècles, des foules se sont rassemblées à Stonehenge pour célébrer le solstice d'été. Déjà en 1223, l'évêque de Salisbury condamnait les «jeux vils et inconvenants» qui s'y déroulaient à cette époque de l'année, preuve que le site attirait un grand nombre de participants et suscitait des pratiques festives jugées excessives par l'Église. En 1724, l'érudit William Stukeley observa que les pierres de grès sarsen étaient effectivement orientées vers le nord-est, dans la direction précise où le soleil apparaît à l'horizon lors du solstice d'été. Il remarqua également que l'espace laissé entre les pierres dressées du cercle était nettement plus large à cet endroit que partout ailleurs, renforçant l'idée d'un alignement intentionnel. Depuis cette époque, d'innombrables générations de visiteurs, de pèlerins, de chercheurs et de touristes ont parcouru le site. Tous viennent pour se tenir à l'intérieur du cercle, lever les yeux vers l'extérieur et contempler l'instant magique où le soleil se lève à l'horizon, perpétuant une tradition vieille de plusieurs millénaires.
Nouvelle approche
Ce fut également William Stukeley qui, au XVIIIe siècle, identifia pour la première fois l'existence de ce que l'on appelle aujourd'hui l'Avenue. Cette longue voie cérémonielle, soigneusement aménagée, mesure environ 21 m (70 pi) de largeur à l'endroit précis où elle traverse le large fossé d'encerclement de Stonehenge. Elle est contemporaine de l'installation des pierres de grès sarsen, ce qui indique qu'elle fut construite pendant la même phase architecturale que les éléments majeurs du monument. L'Avenue relie le cercle à la chaussée principale en venant du nord-est, direction particulièrement importante dans les alignements solaires du site. Vue depuis l'intérieur du cercle mégalithique, l'Avenue s'étire d'abord en une ligne parfaitement droite, donnant l'impression d'un axe rigoureusement intentionnel, jusqu'à ce qu'elle s'incurve progressivement hors du champ de vision créé par les grandes pierres. Ensuite, elle adopte un tracé plus sinueux, épousant les méandres de la rivière Avon, qu'elle longe sur une distance totale d'environ 2,8 km (1,75 mille). Cette configuration, mélange de rectitude cérémonielle et d'adaptation au paysage naturel, renforce l'idée que Stonehenge devait s'inscrire dans un vaste réseau rituel et symbolique.
Aujourd'hui, les spécialistes estiment que le cercle de sarsens et le fer à cheval de trilithes n'étaient pas principalement conçus pour être observés depuis l'intérieur - ce que font pourtant la majorité des visiteurs modernes - mais plutôt pour être contemplés depuis l'extérieur, et plus précisément depuis l'extrémité de l'Avenue. Les archéologues pensent qu'à l'époque préhistorique, l'élite sociale ou religieuse se rassemblait précisément à ce point d'observation lors du solstice d'hiver, période jugée cruciale dans le calendrier rituel. Depuis cet emplacement stratégique, les participants pouvaient voir le soleil descendant se coucher exactement entre les grandes pierres dressées du monument. En se couchant juste au-dessus du sommet de la plus imposante des pierres bleues, soigneusement positionnée devant le passage étroit formé par les colonnes du grand trilithe, l'astre solaire semblait se glisser dans un cadre naturel parfaitement ajusté. Cette mise en scène lumineuse, orchestrée par l'architecture mégalithique, constituait probablement un moment symbolique d'une grande puissance rituelle.
La pierre dressée connue sous le nom de Heel Stone («pierre-talon») constitue un autre élément fondamental du complexe monumental. Elle fut érigée avant les grands blocs de grès sarsen du cercle et du fer à cheval, avant même la construction complète de l'Avenue et, selon toute vraisemblance, peut-être même avant l'arrivée des pierres bleues. À l'origine, la Heel Stone n'était pas seule : elle se tenait autrefois à côté d'un autre mégalithe, aujourd'hui disparu, qui fut retiré ou abattu il y a très longtemps. Ensemble, ces deux pierres se trouvaient à l'extérieur de la chaussée nord-est, dans un emplacement très particulier. Observées depuis le centre de Stonehenge, elles semblaient encadrer le disque solaire au moment précis où celui-ci se levait au solstice d'été, produisant un repère visuel d'une grande simplicité mais d'une précision remarquable.
Ainsi, même si les visiteurs contemporains commettent une erreur en croyant que les sarsens eux-mêmes faisaient partie de l'alignement originel lié au lever du soleil du solstice d'été, ils ne se trompent pas lorsqu'ils se tournent vers la Heel Stone pour observer ce phénomène astronomique spectaculaire. Cette pierre solitaire, héritée d'une phase très ancienne du monument, demeure aujourd'hui encore l'indicateur le plus authentique et le plus fidèle de l'alignement solaire associé au solstice d'été à Stonehenge.
Revendications contradictoires
Beaucoup de gens continuent aujourd'hui de se rendre à Stonehenge pour tenter de marcher symboliquement dans les traces de ceux ayant édifié ce monument mégalithique prodigieux. Ils observent longuement l'horizon et, en particulier, le soleil lors du solstice, cherchant à trouver une source d'inspiration personnelle ou un écho spirituel à cette vision ancestrale. Parmi les rassemblements les plus célèbres figurent ceux organisés par les druides modernes, héritiers revendiqués d'une tradition plusieurs fois réinterprétée. John Aubrey, grand érudit du XVIIe siècle, croyait fermement que Stonehenge avait été construit par ces prêtres celtes et il contribua à populariser cette idée durable mais incorrecte. Depuis la fin du XIXe siècle, ces groupes druidiques participent aux cérémonies du solstice d'été sur le site. Pourtant, leur histoire réelle n'a que quelques siècles, et même les druides de l'Antiquité décrits par Jules César dans le Livre VI des Commentaires sur la Guerre des Gaules (53 avant J.-C.) vivaient bien trop tard pour pouvoir être associés aux architectes préhistoriques de Stonehenge : ils en sont séparés par autant de millénaires que nous le sommes aujourd'hui.
À l'époque actuelle, il existe une grande variété de branches du druidisme contemporain, chacune ayant ses propres rites, ses interprétations symboliques et ses façons de célébrer les grands moments du cycle solaire. Ces différents groupes se réunissent séparément pour honorer les événements saisonniers à Stonehenge, mais aussi à d'autres sites mégalithiques importants tels qu'Avebury, souvent en parallèle avec une multitude de groupes païens, de visiteurs spirituels ou de simples curieux. Les cérémonies comprennent parfois des rituels colorés, des mises en scène pittoresques ou des festivals de musique alternative ajoutant une atmosphère particulière au paysage. Ces rassemblements donnent aux lieux une dimension festive et sacrée pouvant apporter aux touristes une expérience unique et mémorable, en plus de leur intérêt historique.
Bien que leurs pratiques diffèrent et que leurs approches spirituelles puissent parfois diverger fortement, ces groupes partagent un certain nombre de convictions fondamentales. Ils se considèrent généralement comme des libres penseurs, attachés à la liberté individuelle mais également engagés dans une forme de relation symbolique avec les cycles saisonniers et cosmologiques de la Terre. Tous défendent l'idée que chaque être humain porte une responsabilité personnelle dans la quête d'une existence plus harmonieuse et d'une meilleure voie de vie. Cette recherche spirituelle, bien qu'exprimée différemment selon les mouvements, constitue l'un des points d'unité entre les nombreuses formes de spiritualité inspirées par Stonehenge.
L'attrait exercé par Stonehenge provient en grande partie de la précision extrême de ses alignements solaires, notamment ceux liés aux solstices, marquant les points de bascule du mouvement annuel du Soleil. Beaucoup de visiteurs viennent s'y ressourcer, espérant trouver dans ces cycles cosmiques un renouveau, une orientation nouvelle ou un sentiment de continuité avec les rythmes de la nature. Certains affirment même avoir vécu une expérience de transformation personnelle ou de guérison, ce qui résonne fortement avec les résultats d'une importante fouille archéologique réalisée en 2008. Cette étude suggérait en effet que Stonehenge pourrait avoir été, dans l'Antiquité, un centre de guérison où les personnes souffrantes venaient chercher soulagement ou miracle. L'analyse des ossements découverts sur le site a confirmé que la réputation du lieu à l'âge du bronze dépassait largement les frontières régionales : des individus venus non seulement de toute la Grande-Bretagne, mais également de régions aussi éloignées que l'Europe centrale, auraient fait le voyage jusqu'à Stonehenge.
Cependant, une autre théorie s'oppose directement à l'idée d'un sanctuaire de guérison. Selon cette hypothèse rivale, Stonehenge aurait été avant tout un centre de crémation, servant de lieu de passage entre le monde des vivants et celui des morts. Le site aurait alors fonctionné comme une plateforme rituelle destinée à assurer aux défunts une transition sereine et un voyage réussi dans l'au-delà. Cette fonction funéraire, si elle est correcte, s'inscrirait dans les pratiques religieuses anciennes liées aux paysages sacrés. Une forme atténuée de cette tradition perdure aujourd'hui, puisque l'English Heritage, l'organisme responsable de la gestion de Stonehenge, autorise encore la dispersion supervisée de cendres humaines, bien que cette pratique soit strictement interdite à l'intérieur même du cercle de pierres, afin de préserver le monument.
L'énigme d'Avebury
Le vaste monument mégalithique d'Avebury, réputé pour être non seulement l'un des sites préhistoriques les plus impressionnants de Grande-Bretagne, mais surtout le plus grand cercle de pierres jamais construit dans le monde antique, constitue un élément majeur du site du patrimoine mondial regroupant également Stonehenge et plusieurs autres structures néolithiques de la région du Wiltshire. Le cercle principal d'Avebury possède un diamètre monumental de 335 m (1 100 pi), ce qui en fait un ouvrage d'une ampleur vraiment exceptionnelle. Ses pierres massives furent dressées autour de 2600 avant J.-C., période durant laquelle fut également aménagé le henge, c'est-à-dire l'ensemble formé d'un large fossé placé à l'intérieur d'un talus périphérique, configuration caractéristique mais relativement rare parmi les monuments de ce type. Ce henge et ce cercle de pierres monumentales englobent non seulement un second cercle intérieur, plus petit, mais aussi un arc adjacent de pierres disposé en forme de fer à cheval - même si certains spécialistes pensent qu'il pourrait en réalité s'agir d'un second cercle complet aujourd'hui incomplet ou partiellement disparu. Ces deux structures internes sont datées d'environ 300 ans plus tôt que le grand cercle, ce qui montre que le développement architectural du site s'est étalé sur plusieurs phases successives.
Encore un siècle auparavant, vers 3000 avant J.-C., trois énormes dalles monolithiques avaient été érigées de façon à délimiter un espace rectangulaire ouvert sur un côté, une zone sacrée qui fut plus tard remplacée ou complétée par la structure en fer à cheval. Ce rectangle rituel possédait une entrée orientée de manière précise : son côté ouvert formait ce que l'on appelait l'anse, une sorte de couloir symbolique par lequel la lumière du soleil levant au solstice d'été pénétrait directement dans l'espace délimité par ces pierres monumentales. Aujourd'hui, seules deux des trois grandes dalles d'origine sont encore debout, ce qui complique l'interprétation exacte de leur fonction initiale, mais leur orientation demeure suffisamment claire pour confirmer que les bâtisseurs avaient une intention astronomique liée au cycle solaire.
Avec près de 100 pierres dressées dans le grand cercle et au moins la moitié de ce nombre dans les deux structures internes, le site d'Avebury présente un ensemble d'éléments tellement nombreux qu'il devient très facile d'y trouver des alignements accidentels, c'est-à-dire des coïncidences visuelles dépourvues de véritable signification rituelle ou astronomique. Cette abondance a encouragé de nombreuses théories souvent très ingénieuses pour tenter de décrypter le site en termes de géométrie sacrée, de symbolisme cosmique ou d'astronomie complexe, cherchant à établir des relations précises avec les mouvements du Soleil, de la Lune ou des étoiles. Cependant, la plupart des archéologues professionnels demeurent plutôt sceptiques, considérant que beaucoup de ces hypothèses manquent de preuves solides. L'un des spécialistes les plus reconnus, Aubrey Burl, a même déclaré qu'il était étonné de constater si peu d'alignements astronomiques intentionnels à Avebury malgré l'ampleur gigantesque du site. Selon lui, et selon de nombreux chercheurs, les véritables références ayant guidé les constructeurs semblent être le paysage local lui-même : les lignes de vue naturelles formées par les collines environnantes, les vallées, ainsi que les cours d'eau de la région, joueraient un rôle plus important que de possibles relations complexes avec les astres.